Temoignage de Leo
1. Acceptation de sa transidentité
Je n’ai pas eu à accepter ou en tout cas à faire un choix. La chose s’est imposée à moi, même si à certains moments de ma vie j’ai essayé de la repousser. C’est une évidence, une continuité; je ne peux pas grandir sans passer par là.
Du plus loin qui je puisse remonter dans mes souvenirs, j’ai toujours voulu être un garçon, plus précisément j’ai toujours été un garçon, même physiquement. A l’école maternelle je m’identifiais à mes camarades du sexe « opposé » en dépit de ma coupe au carré que ma mère m’imposait. A huit ans je jubilais quand le boucher m’appelait jeune homme en me rendant la monnaie. Au collège, les autres me demandaient sans cesse si j’étais une fille ou un garçon malgré mes cheveux mi-long. Au lycée j’ai quelque peu essayé la féminité mais j’attirais les mecs gays… Les autres aussi me renvoyaient à cette « identité paradoxale».
J'ai décidé de vivre entre deux pour ne pas avoir à faire un choix, parce que je me croyais plus malin que les autres de pouvoir être ni l'un ni l'autre, ou d'être les deux à la fois. Que je pensais que je réussirais à trouver un équilibre entre ce que j'étais physiquement et intérieurement comme ça. Et surtout parce que c'est plus simple que de se remettre en question.
Mais plus j’avançais dans le temps et moins je supportais qu’on me renvoi à mon identité féminine, plus je me fermais lorsque les autres ne me reconnaissaient pas en tant que mec. Je crois que le plus dur c’était de faire la bise à tous les gars de ma boite, d’y être obligé parce que connu là bas en tant que possesseur de chromosomes XX. Je n’ai jamais aimé dire bonjour, parce que c’est toujours à ce moment que tout se joue, si on te tend la joue t’as perdu.
J’ai donc pas eu à accepter à proprement dit, commencer les démarches c’est juste devenir moi. La porte que j’avais pas vue mais qui est bien là, juste à ouvrir.
2. Les contraintes administratives et médicales
La société n'est pas très évoluée, ni très ouverte sur le sujet. Les médecins oublient rapidement leurs connaissances face au transsexualisme, et même pour certains leur serment d'Hippocrate. Je suis en province et je peux dire que beaucoup de portes se sont fermées, aucun psychiatre n'a voulu me recevoir, tous m'ont répondu ne pas être spécialisés en la matière et se sont renvoyés la balle. J'ai du faire mon suivi psy sur paris avec les frais et les contraintes qui vont avec.
Concernant l’aspect administratif, j’ai opté pour l’acte de notoriété, actuellement en cours de rédaction. Parce qu’il faut bien dire que rien n’est fait pour nous, tout est au bien vouloir de l’interlocuteur que nous avons en face, et tant pis si l’interlocuteur a décidé de ne pas comprendre. Avec ce document je compte bien faire apparaitre mon prénom d’usage et donc masculin sur un certain nombre de documents. Par contre aucun problème pour les ouvertures de contrats EDF, GDF, et eau, tout est au nom de Léo.
3. Les changements physiques
Je passe déjà très bien, disons qu’actuellement non hormoné je suis reconnu à 65% comme un mec au premier contact par les inconnus. J’attends tout de même beaucoup du traitement hormonal, la mue, et la pilosité par exemple. Parce que ça représente la puberté finalement, et que sans poils et sans voix d’homme, pour l’instant je me sens plus bloqué dans un corps de petit garçon que dans un corps de femme. Même si bien sûr je ne compte pas me limiter à une prise d’hormone! Qui cela dit est très proche, puisque quelques jours me séparent de mon RDV.
Ça fait déjà quelques années que je suis super frustré de ne pas pouvoir être torse nu sur la plage, d’avoir ces trucs qui me servent à rien alors que je serais bien plus beau sans. J’ai découvert qu’on pouvait se bander les seins tout seul dans ma salle de bain, je ne fréquentais pas les forums et ne connaissais donc pas les manières « safe » de placer la poitrine pour pas se faire mal, je ne savais pas qu’il existait ces magnifiques choses qu’on appelle Binders ! J’ai fait ça quelques mois, a presque m’étouffer et souffrir pour ne plus rien laisser paraitre, et puis j’ai découvert les tee-shirts compressifs, ça me permet d’attendre la mastectomie.
Je suis conscient que les changements et transformations physiques ne feront jamais de moi un homme bio, mais je sais qu’ils m’aideront à m’épanouir dans ma vie et dans mes relations.
4. Le coming-out familial
Mon beau père très homophobe a grandement retardé mon coming out. Depuis je n’ai plus de contact avec ma mère. J’ai une famille assez spéciale, je ne suis pas vraiment pris au sérieux je pense. Mais je suis grand et je peux heureusement vivre sans eux.
5. Les relations amoureuses et amicales
J’ai toujours parlé de mes « problèmes » identitaires dès le début de mes relations. Je ne voulais pas mentir, et finalement tout ce que j’attendais c’était qu’on me parle au masculin, et qu’on soit très compréhensif avec moi. Sexuellement ça a toujours été très compliqué et plein d’interdits, certaines ont su faire avec et d’autres pas. Il y a eu de longues périodes d’abstinences tant en couple que célibataire, et aujourd’hui enfin je retrouve une confiance et un équilibre sur ce plan par le simple fait d’avancer dans la démarche, de voir que je ne suis pas seul dans ce cas et qu’on peut s’approprier son sexe autrement que visuellement.
D’un point de vue amical, j’ai réalisé que de toute manière le tri se faisait de lui même, ceux qui étaient gênés sont partis. J’ai coupé les ponts plus ou moins volontairement avec certains de peur de devoir trop me justifier, chose assez difficile à faire lorsqu’il n’y a rien de plus à expliquer. Je suis maintenant un peu plus à l’aise dans la gestion de ces dites explications, même si je reste assez pudique sur le fond de mes motivations.
J’ai croisé la route de quelqu’un qui m’a beaucoup aidé à trouver le courage d’avancer, de prendre le taureau par les cornes. Elle m’a, je crois, toujours considéré comme un mec, même si lorsque l’on s’est rencontré je n’étais pas assez sûr de moi pour faire un « choix ».
Nous ne sommes plus ensemble, mais elle reste un soutien quotidien pour moi. Disons que c’est certainement elle qui a fait sauter les derniers verrous de ma prison.
6. Le monde professionnel et scolaire
J’ai tout à l’heure fait référence à ma scolarité, les autres élèves n’ont pas toujours su comment me considérer au premier abord, ce qui occasionnait une gêne, et c’est surtout pour cela que ça n’a pas toujours été simple. Pas évident en sixième de répondre a des troisièmes qui te demande si t’es une fille ou un mec, l’air moqueur… J’ai eu la chance de quitter ma campagne profonde pour aller dans une ville plus ouverte, là où j’ai compris le sens des mots queer, transpédégouine, ce qui m’a facilité la vie un temps.
Le boulot… Avant d’être complètement outé, toute ma boite savait que je vivais sous une identité plus ou moins transgenre, je pensais que la partie allait être facile puisque personne ne m’avait jamais clairement fait de remarques. Depuis que les choses ne sont plus floues je vis un enfer, la direction m’interdit d’utiliser mon prénom masculin et interdit également a quiconque de m’appeler ainsi dans l’entreprise. Je ne suis pas seul : une MtF opérée et en fin de démarches est toujours contrainte d’utiliser son prénom masculin malgré une poitrine de 90B et sa féminité ! J’ai fait face à cela un temps et suite a une remarque discriminante de mon boss (qui me demandais quand est ce que mes seins allaient tomber en se marrant) je me suis mis en arrêt le temps de chercher une autre solution. Le reclassement professionnel pour inaptitude médicale me semble d’ailleurs en être une bonne !
7. Peurs, questionnements et doutes
Les peurs. Au début lorsque j’ai sauté le pas en m’outant il y a eu les angoisses. J’avais le cœur complètement serré et je ne savais pas quoi faire pour me sentir mieux. L’impression d’étouffement face au parcours qu’il y a devant pour pouvoir être enfin libre, de cette montagne qui me semblait insurmontable. Ça arrivait trois à quatre fois par jours, puis ça s’est espacé quand j’ai compris qu’au final c’était juste moi qui prenais contrôle de ma vie. Qu’après ça je serais plus fort, plus beau, plus solide, plus libre et surtout en adéquation avec moi-même.
A partir de là les doutes se sont également estompés, et depuis je suis plus serein. Je n’ai plus peur de mon chemin, je l’ai apprivoisé en me renseignant, en partageant mon histoire avec d’autres jusqu’à la relativiser. J’avance confiant, je réponds chaque jour à mes questions en me disant que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.
Témoignage* de Léo.
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Date de création : 2010