Temoignage de Carmelle
Être la compagne d'un transsexuel, si ce n'est pas catastrophique, est néanmoins hors du commun. Cette situation atypique engendre forcément des interrogations et impose une façon légèrement différente de gérer son couple. Parce que se sont des questions que l'on me pose très souvent, il me paraissait important de faire un rapide récapitulatif de ce que j'ai pu ressentir en tant que compagne de FTM. Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à les poser afin qu'elles soient ajoutées à mon témoignage.
1. Quand la personne que l'on aime apparaît comme transsexuelle.
Comme dans la plupart des cas, je n'ai pas eu connaissance dès le départ de la transsexualité de mon petit-ami. Lorsque c'est devenu plus sérieux, il m'a appris et expliqué son « problème ». On ne peut pas dire que je sois tombée des nues, je me doutais bien qu'il y avait quelque chose d'important qu'il me cachait. Ma première réaction n'a pas été un rejet, bien au contraire. J'ai été ébranlé et touché par ses confessions, et même si je n'ai pas tout compris, instinctivement je n'ai pas eu de doute sur son identité et j'ai voulu le protéger. La confiance dont il me faisait preuve en avouant qui il était, effaçait tout le reste.
Cependant, et ce rapidement, avec le recul une sorte de panique s'est envahie de moi. Pendant quelques jours, dans de bref moments je me sentais perdue, sans savoir si je connaissais bien la personne que j'avais en face ou si c'était moi qui me montait la tête avec des questionnements stupides. Je crois que ce passage est obligatoire. Pour moi il a été très court, mais il m'a fallu tout de même prendre le recul nécessaire pour m'apercevoir que c'était toujours le même homme.
De mon point de vu, ne pas dire immédiatement sa transsexualité me semble nécessaire pour ne pas faire fuir la personne en face. De plus, on ne demande pas le CV de chaque individu que l'on croise. Toutefois, même si je considère les hommes FTM exactement de la même façon que les hommes bio, je me sentirais trahie si on me cachait sa transidentité alors que la relation devient sérieuse. Je trouve que c'est cacher une partie de soi-même, car qu'on le veuille ou non, être transsexuel n'est pas un détail.
2. Blesser sans le vouloir.
L'une des plus grande peur que j'ai eu dès que j'ai su que mon compagnon était trans, c'est de commettre une bourde qu'il le mettrait mal à l'aise. J'avais des tonnes de questions à poser pour bien comprendre la problématique, mais en face, j'avais quelqu'un qui faisait tout pour l'éviter. Bien sûr, j'ai évité de poser des questions inutiles comme demander le prénom de naissance, je trouvais que c'était une preuve de confiance que lui seul pouvait m'accorder au moment voulu. Bref, les premières semaines ont été compliquées, et tourner sa langue sept fois avant de parler a pris un sens pour moi.
Je pense que le seul remède pour ne plus avoir peur de faire ou dire une bêtise, est de ne surtout pas rendre la transsexualité plus tabou qu'elle ne le mérite. Parler, discuter et échanger permet d'apprivoiser la situation et de la démystifier, du moins ça à été le cas pour nous. Faire comme si de rien n'était n'est pas une solution non plus, être transsexuel n'est pas la fin du monde, alors il ne faut pas agir comme si c'était la cas et entretenir un cercle vicieux.
3. Se mettre à nu.
Encore un point délicat lorsqu'on est avec un transsexuel : La sexualité. J'ai vécu les choses de deux façons très différentes.
En premier, j'ai vécu avec mon copain une sexualité basé sur les interdits. Interdictions de le toucher et de le voir nu évidemment, mais ce n'était pas là l'essentiel. Le sexe était tabou, réduit au plus strict minimum. Même si à ce moment là, je m'étais convaincue que cette situation me contentait, il n'en était rien en réalité. Nos rapports se limitaient à des simulacres froids et sans intérêts. L'excuse était que la faute en revenait à son corps, qu'il fallait être patient pour pouvoir vivre un sexualité « normal ».
Je vois le sexe comme un partage fort entre deux êtres, mais le corps transsexuel impose ses limites. Avec ou sans phalloplastie/méta, on ne pourra jamais avoir des rapport sexuels "classiques". Je pense qu'il y a un deuil à faire pour les FTM, comme pour leurs compagnes/compagnons. Il y aura toujours des différences physiques comparé aux hommes de naissances, il n'y aura jamais d'éjaculation etc. S'en rendre compte fais mal sur le moment, mais une fois le deuil effectué, je crois qu'on peut repartir sur des bases saines et apprécier ce que l'on peut faire. On peut avoir une sexualité épanouie lorsqu'on vit avec un transsexuel, il suffit d'apprivoiser l'animal et d'en jouer . Je suppose que tout le monde n'est pas capable de faire abstraction de certains traits physiques qui les bloquent totalement dans leurs rapports avec les autres, mais ce que j'ai pu observer, c'est que le temps et l'hormonothérapie fais bien évoluer les choses.
On passe donc à la seconde façon dont j'ai vécu le sexe avec un trans. Déjà nous avons avancés progressivement ensemble pour que ce sujet ne soit plus tabou. Pour moi, il était primordiale que le sexe ne soit pas qu'un acte qu'il faut faire parce que c'est comme ça. Pour faire plus simple, je voulais que mon conjoint ressente aussi du plaisir. Les hormones engendrent une croissance du sexe qui aide bien, chaque personne réagit différemment, et si pour certains la pousse est très limité, pour d'autres elle est plus conséquente. Le gland se développe et les érections naturelles sont de plus en plus palpable . A partir de là, nous avons pu trouver un compromis en profitant de tous les plaisirs que pouvait nous donner l'utilisation de ce dicklit. Avec de nombreuses discussions, nous avons pu progressivement découvrir cette partie de son corps, par des caresses de toutes sortes .
S'il n'est pas évident pour un FTM d'utiliser enfin son sexe, ce n'est pas non plus forcément facile pour les conjoints. Ce sexe ambiguë peut rendre mal à l'aise au début, mais il n'y a pas une façon de vivre sa sexualité, que l'on soit bio, hétéro, homo ou transsexuel. Chacun trouve son propre compromis avec son corps et ses envies. Le sexe ne fait pas l'homme, et je préfère de loin vivre une sexualité un peu atypique mais épanouissante, plutôt que de vouloir rester dans la caricature de l'hétérosexualité en dépit de son propre bien-être. Personnellement, donner du plaisir à mon partenaire m'a fait en prendre moi même. Il respecte mes envies et je respecte les siennes.
Le dernier point que je voudrais aborder est le torse. L'interdiction de toucher le torse nu de son conjoint n'est pas évidant, et parfois les opérations tardent. Mais à moins que les deux soient prêt à passer outre, il faut s'armer de patience. Dans ce cas, les t-shirts compressifs permettent tout de même des caresses à travers les vêtements pour les plus réfractaires.
Quoi qu'il en soit, coucher avec une personne masculine mais physiquement féminine ne m'a pas fais remettre en cause ma sexualité. A l'inverse, ses parties intimes les plus féminines ne m'intéressaient pas au point que ça à renforcé mon hétérosexualité, mais quel que soit le passé ou la taille du sexe de la personne qui m'attire.
4. Gérer l'ambivalence au quotidien.
Il y a une chose encore qui est assez difficile à gérer, c'est l'ambiguïté de son compagnon face au monde extérieur. Si pour moi il était bel et bien un homme, je me suis rendu compte qu'il était loin d'en être autant avec la plupart des personnes qu'on peut croiser dans une journée. J'étais dans une histoire fusionnelle, et lorsque monsieur tout le monde parlait à mon petit ami au féminin ça me faisait mal et me mettait en colère. Au début je n'osais rien dire, mais très vite j'ai fini par moi-même reprendre les gens ou par lui passer devant comme si le mademoiselle m'avait été adressé. Malgré tout, à force d'être pris trop souvent pour un couple hors-norme que l'on dévisage ou sur qui on se permet de lancer des réflexions sympathiques, sortir devenait plus pesant. Heureusement pour nous, les hormones sont vite arrivées et ont agis suffisamment vite sur son physique pour que le doute sur son identité ne persiste pas. Ces situations, qu'on ne peut pas toujours éviter, étaient irritantes au quotidien, mais je ne me suis jamais sentie honteuse d'être avec lui, et la pression extérieure ne m'a jamais fait douter de qui il était vraiment, malgré les apparences.
Souvent, après ce genre de confrontations, mon conjoint perdait complètement ses moyens. Il se renfermait, se mettait en colère ou pleurait. Les compagnes/compagnons étant les seules personnes là, c'est souvent nous qui prenons de plein fouet sa mauvaise humeur. Je pense que s'il faut savoir être là et réconforter dans les moments difficiles, mais trop plaindre et tout encaisser sans rien dire n'est pas non plus une bonne chose. Il faut qu'il soit conscient qu'il n'est pas le seul à souffrir dans de tel cas, être en couple ne signifie pas forcément tout laisser passer. Je crois qu'au contraire il vaut mieux dédramatiser, après tout, le futur ne pourra être que meilleur. Et puis, non, c'est pas parce que la caissière de Auchan lui a dit mademoiselle, qu'il s'est décrédibilisé à nos yeux. C'est certainement un mauvais moment à passer, mais ce n'est pas pour autant la fin du monde.
Pendant longtemps, la boite à lettre à été un objet mystique. N'ayant pas connu son prénom de naissance dès le départ, et mon conjoint étant parano, je n'avais pas le droit de regarder le nom sur le courrier, car la majorité était reçu sous son identité féminine. De même, quand un FTM n'a pas encore assez d'assurance pour assumer, acheter quelque chose si il faut une pièce d'identité, visiter un appartement, faire des démarches administratives sont de vrais casse-tête. Beaucoup de gens l'ignore, mais il est tellement plus simple de dire qu'on est en attente d'un changement d'état civil ! La plupart des néophytes n'en n'ont strictement rien à faire du contenu de votre culotte.
5. L'entourage.
Une des grandes difficultés quand on accompagne quelqu'un durant sa transition, c'est aussi de gérer cette ambiguïté avec ses proches. Avec les amis, les chose ne sont peut être pas trop problématique. Pour les anciens, soit ils comprennent, soit ils passent leur chemin. Mais la plupart des gens, s'ils ne comprennent pas forcément, se montre au moins un minimum compréhensif. Bien sur il y aura toujours des personnes bien attentionnés pour rappeler le « f » de la carte d'identité ou faire des réflexions sur le physique de votre chéri. Tout le monde n'est pas capable de regarder autre chose que son nombril .
Pour la famille, c'est un peu différent. Ma propre famille n'a pas fait d'histoire, ils l'ont appris par hasard et n'ont pas souhaité en discuter. Je sais seulement que ça ne les dérange pas, et qu'à l'exception d'un membre de ma famille qui accepte sans comprendre, ça n'a rien changé à leur façon de percevoir notre couple. J'ai la chance aussi, d'être dans une famille ou le transsexualisme n'était pas complètement inconnu, et ou la tolérance a toujours été au centre de mon éducation.
Pour la famille de monsieur, ça a été un peu plus compliqué. Les contacts avec ses parents ont été purement et simplement coupés avant même mon arrivée dans sa vie. Ses frères et sœurs ont eu des difficultés à accepter et à comprendre. Ce qui était difficile pour ma part, c'était de ne pas être considérée. Sans oublier le féminin pour parler de mon petit-ami, que je prenais comme une agression ou (souvent à juste titre) un besoin de le remettre sur les rails. C'était à chaque fois une épreuve, surtout que je n'avais pas encore le recul nécessaire. Cependant, avec le temps, les rapports avec certains membres de sa famille ont évolués. On a tendance à oublier que les proches aussi doivent accepter que la sœur ou la fille qu'ils ont toujours connu, est en réalité quelqu'un d'autre, mais que ça ne change rien sur le fond. Il y a aussi la peur de l'inconnu, l'inquiétude qu'on pouvait avoir pour lui, et les solutions de facilitées pour se protéger de tous ces chamboulements. Bref, tout peut toujours évoluer.
6. La peur du parcours et de la chirurgie.
Comme je l'ai déjà souligné dans le paragraphe précédant, l'inconnu fait peur, et c'est valable pour nous aussi. Le plus effrayant pour ma part, à été d'apprendre et d'accepter tout le côté médical. Une opération c'est effrayant, mais quand en plus on vous parle d'une intervention de plus d'une dizaine d'heures dont les résultats sont plus qu'incertains, ça à tout d'un véritable cauchemar. Je me souviens de mon anxiété lors de la première intervention, j'étais toute seule chez moi, car en plus il n'avait pas voulu que je l'accompagne, à attendre que le téléphone sonne, morte d'inquiétude, et à la fois en colère et désespérée. Il faut se rappeler que le jeu en vaut la chandelle, s'il en a besoin pour se sentir bien, sa vie n'en sera que meilleure. J'ai vu les changements radicaux qui se sont effectués les semaines qui ont suivis l'opération. Il était plus sur de lui, moins triste et avec pleins de nouvelles envies. Il s'est trouvé, tout simplement.
Pour parler du reste, les hormones changent énormément de choses aussi. Plus son physique évolue vers le masculin, moins il y a de crises en rapport avec les réactions des autres. Il n'a plus à stresser à l'idée de sortir de chez lui ou de rencontrer de nouvelles personnes. Sans compter les petites victoires quotidiennes : 3 nouveaux poils sur le menton, ½ centimètre sur le kiki etc. De plus, la testostérone agit sur le morale de manière positive. Ce rapprochement entre son lui physique et psychologique n'a que du bon, et rend la vie plus agréable pour chacun d'entre nous. Ses traits se masculinisent (bien que chacun réagit différemment aux hormones selon son patrimoine génétique) mais il ne change pas du tout au tout. Le bonheur et le bien-être qu'il en ressent, de toute façon, efface toutes nos craintes. Il n'y a rien de meilleur que de voir la personne que l'on aime être enfin heureux.
7. Fonder une famille
C'est LE problème quand on vit avec un transsexuel, avoir des enfants est problématique. Déjà, il faut accepter qu'en avoir naturellement ne sera jamais possible. C'est un mot qui revient souvent dans cet article, mais c'est un vrai deuil à faire. Accepter aussi que sans la rectification de son acte de naissance, aucune démarche ne nous est ouverte en France. Tant que ce problème administratif n'est pas réglé, la seule exception est d'avoir recours à un insémination artificielle (IAD) en Belgique, sachant qu'une fois de retour en France, il sera impossible pour votre conjoint de reconnaître l'enfant. Pour parler de mon cas, je n'avais jamais songé à avoir des enfants avant d'être confronté à cette situation. Il m'a fallu un certain temps pour passer à autre chose et être capable d'apprécier les autres possibilités qui s'offriraient à nous, comme l'IAD ou l'adoption, malgré toutes les complications. En ce qui concerne le mariage, lui aussi est tout à fait possible et légale à condition que l'état-civil soit rectifié. Pour conclure, il faut s'armer de patience
Conclusion
Pour conclure, mon sentiment sur tout ça, avec le recul, est qu'un homme qu'il soit ftm ou pas ce n'est pas le principal. J'aime une personne avant tout. Bien sur, ceci est mon témoignage et n'engage que moi. J'espère qu'il sera rejoint par d'autres très rapidement, je rappelle que tous les points de vue sont intéressant, tant qu'ils sont respectueux de chacun.
Témoignage* de Carmelle.
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Date de création : 2007